Washingthéna
A Washington D.C. un jour de plus est un jour supplémentaire de revendications. Dans l'épicentre politique du monde capitaliste-libéral-occidental, la vétusté des infrastructures scolaires nationales y est dénoncée, les guerres en cours décriées…. Et bien sûr, la moindre avancée du dossier Healthcare Reform s'accompagne à la fois d'une manifestation d'opposition et d'une marche de soutien. Les causes sont multiples, le public toujours présent.
La vibration politique est ici sans nulle autre pareille. Si bien qu'on serait tenté de surnommer la capitale fédérale des States du sobriquet « Washingthéna », enfant illégitime de la contraction astucieuse avec la cité mère de la Démocratie.
A l'heure où certains parlent de fin « du politique » ou « de la politique », les professeurs de l'IEP trancheront un jour la terminologie correcte, il n'en reste pas moins que l'esprit de la res publica habite le District.
Le parti où l'on ne boit pas que du thé
En Septembre dernier, Washington est pris d'assaut par une nouvelle mouvance politique. Une nébuleuse indomptable, dont l'arrivée dans le paysage politique américain a fait l'effet d'une bombe. Tea (Tax Enough Already) Party est un rassemblement hétéroclite, tendance anarchico-ultra-libérale, mariant la pétillante Sarah Palin, aussi libre que Max et indépendante que Ségo, à touts les grands frustrés de la dernière élection présidentielle, qui digèrent mal la présence d'un homme de couleur au Bureau Ovale. Depuis, le Tea Party est de toutes les campagnes et foule le National Mall très fréquemment. Obama grimé en Joker version The Dark Knight, c'est eux !
Lafayette Square, point de départ traditionnel d'un rally. Saturday. 1PM. De multiples groupes, défendant leur propre cause, forment les rangs. La marche va enfin commencer. Tous soutiennent le même crédo:
Soit toutes les guerres où les Etats-Unis d'Amérique (comme dit le Président fictif au cours d'une conférence de presse fictive dans chaque film de guerre) sont impliquées… et il y en a un certain nombre. Elles sont pour l'heure toutes héritées des administrations précédentes, la dernière s'étant révélée plutôt gourmande sur le sujet… En attendant, peut-être, que l'équipe en place devienne l'instigatrice attitrée de son propre conflit. Iran prend garde à toi !
L'occasion pour les résidents palestiniens de se montrer. Chose assez surprenante en terre conquise par les lobbies pro-israéliens : le cocktail-de-remise-d'aucun-prix de l'Aipac en présence de la Secrétaire d'Etat Hillary Clinton, qui rappelait l'amitié israélo-américaine et le soutien sans faille de l'Obama team à la sécurité d'Israël, l'attestant.
Mais de quel gel vous trompez vous Monsieur Netanyahu? Nos jeunes palestiniennes protestent contre l'annonce du gouvernement israélien de la construction de 1600 nouveaux logements (aucune citéU) à Jérusalem Est, le jour de l'arrivée de l'U.S. Vice President. Comme pour mieux couper l'herbe de la relance des pourparlers de paix sous les pieds de Joe Biden. Le gel de l'expansion de la colonisation israélienne en territoire palestinien est effectivement une condition préalable à la reprise du processus de paix.
Plus que la guerre elle-même, c'est l'ingérence et l'impérialisme, cachés derrière ces « missions salvatrices », qui sont mis en cause. "From Irak to Palestine, occupation is a crime", scandent-ils en coeur.
La rancœur contre l'ancienne administration est encore très vive, un an après leur départ. Elle porte autant sur le facétieux George W. Bush, à qui on demande des comptes, qu'à son Vice Président. La marionnette guignolesque de Cheney a ainsi été pendue et trainée sur quelques mètres, sous les huées de la foule.
La manifestation progresse dans une ville fantôme. Le dowtown est bouclé par des forces de l'ordre visiblement en sur nombre et toutes les boutiques sont fermées, à l'exception du Caribou Coffee, à l'angle de la 18th. La suite de I am a Legend… without Will Smith this time, aurait pu facilement y être tournée.
L'image type du défilé de pas-contents-!-pas-contents-!, le poing serré qui vise la lune, est évidement respectée. "What do we want? peace!! When do we want it? Now!!" et le fleuri "We will, we will fuck you! Fuck you!" fusent.
Le cortège des coffins est appelé à l'avant. Ces cartons couverts d'un drapeau national symbolisent les pertes humaines des deux camps. On pleure les soldats américains morts au combat, on pleure les civils, afghans, irakiens, palestiniens… victimes des opérations de nettoyage de « l'Axe du Mal ».
La force des vétérans de guerre, principalement du Vietnam, reconvertis en pacifiste forcené, est remarquable. Autant que leur look.
La tenue vestimentaire de l'activist est d'ailleurs un de ses outils de travail. L'apparence est finement et ingénieusement travaillée afin d'exprimer une opinion politique. Ce qui pourrait ressembler à un carnaval ou à une parade bariolée n'est autre qu'un moyen de revendication. Ou comment vivre la contestation jusqu'au bout de ses cheveux… fourchus.
On ne prend pas les mêmes et on recommence
Le lendemain, c'est une marrée humaine, comme dirait Christian Prudhomme, qui déferle sur le Mall. Le haut lieu du militantisme, du Lincoln Memorial au Capitol, est blanc de monde. Les réseaux sociaux ont relayé la consigne : porter de préférence un t-shirt blanc. Mot d'ordre majoritairement entendu. De mémoire de Washingtonien, il s'agit de la plus grande manifestation sous l'ère Obama. Le monde monstre sur les quais et dans les wagons du métro annonçait déjà la couleur. Une densité humaine à faire pâlir le littoral nippon.
Pour le coup, on est bien loin du cliché selon lequel moins le gouvernement intervient et mieux les américains se portent. Venus en masse des deux Etats limitrophes, Virginia et Maryland, ils exhortent le Président Obama à légiférer afin de mettre un terme au phénomène des « travailleurs sans papiers ». La révision du statut des employés clandestins, Immigration Reform, était effectivement une promesse du candidat Obama, une rengaine plus vraiment à la mode en Europe…
La version américaine de « *** si tu savais, ta réforme où on se la met, au cul, aucune hésitation, non, non à la réforme ****, oui, oui à *** » n'est donc pas d'actualité. Zut !
La Bannière Etoilée, modèle de poche ou taille XXL, est de sorti. Elle doit toutefois partager la vedette avec quelques drapeaux mexicains, colombiens, panaméens… Oui la communauté hispanique est très bien représentée.
Sur une scène imposante, encadrée par des enceintes immenses et des écrans géants, les leaders des associations initiatrices de la mobilisation prennent tour à tour la parole… Et le tour est plutôt long ! Une causerie de plus de deux heures qui a entraîné un départ tardif. La marche à travers Capitol Hill en direction du JFK Stadium, dans le South East, a commencé à partir de 5PM seulement.
En marge, une joyeuse bande d'anarchistes, les « no borders » guys, ont rendus un hommage appuyé au King of Pop, avant d'affronter la cavalerie. Ils se sont aussi adonnés à une clorégraphie improvisée, qui n'a rien du Body Shaking.
Cette manifestation a montré combien les évènements de ce type sont une affaire familiale. Les poussettes, qui roulent sur vos chevilles découvertes, sont plus que bienvenues. Un second baptême en quelque sorte…
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