De la même manière que furent construites les pyramides...
Penser à l'Égypte, c'est bien vite penser à ses formes géométriques dont les pointes regardent vers le ciel, entourées d'un désert de sable chaud que l'on imagine s'étirant à perte de vue, oubliant l'avancée de la ville qui grignote les dunes et aujourd'hui apparaît en arrière-plan comme une proche ligne d'horizon narguant le nez tronqué du Sphinx, et qu'ignorent les cartes postales que tout bon touriste envoie à ses proches, sans savoir alors si sa lettre trouvera un jour la sortie du labyrinthique réseau postal égyptien.
Penser à l'Egypte, c'est donc tout naturellement penser aux pyramides, et c'est ainsi que peu de temps après l'atterrissage au Caire, on ose tenter l'excursion, à la fois impatient d'admirer les géantes, et quelque peu soucieux à l'idée de n'y trouver que déception, car finalement, la grande question qui se pose au moment de se diriger vers le site de Gizeh est bien celle de savoir si les pyramides constituent bel et bien une merveille du monde, ou un immonde attrape-couillons. Disons, pour résumer, qu'une telle visite est bien représentative d'un séjour en Egypte, à la fois fascinante et fatigante, faite de découvertes merveilleuses autant que malheureuses.
Dès l'arrivée à proximité de la route conduisant aux pyramides de Khéops, Khephren et Mykérinos, on se sent peu à peu devenir la cible de regards alléchés, ceux des guides et autres accompagnateurs, guettant l'étranger avant de se jeter vers lui, proposant services et offres aux prix évolutifs, sachant que ceux-ci ne sont pas dégressifs, et qu'ils ont bien plutôt tendance à prendre du poids au fur et à mesure de la visite, atteignant parfois des sommes exorbitantes, surtout lorsque les gineh égyptiennes laissent la place à l'euro ou au dollar, comme par magie, de la même façon que furent construites les pyramides, aux dires des guides à l'apparence affable et à l'esprit comptable.
On serait tenté d'être compréhensif à l'égard de ces tentatives de détroussement pécuniaire, partant du constant que la misère est une réalité dans l'Égypte contemporaine. Certes, mais voilà, à la vue du nombre de touristes en pleines négociations avec les fameux guides, et qui en sortent le plus souvent relativement perdants, l'on comprend vite que ces Égyptiens là sont sans doute loin d'être les plus misérables, d'où la désagréable imprécision d'être la cible d'un réseau de racket soigneusement organisé (oui, car voyez-vous, il n'est pas rare que soient constitués des groupes d'associés, composé d'un chauffeur de taxi amenant le touriste candide à proximité des pyramides, où un guide, à première vue tout à fait étranger à ce chauffeur, l'attendra pour le prendre en charge jusqu'au dépècement financier, avant de le laisser juste devant une boutique, bien souvent de parfum, très à la mode ici, dans laquelle un vendeur l'emmènera pour lui proposer thé, café et achat, avant que n'arrive, l'air de rien, le précédent chauffeur de taxi, lequel a su, comme par magie, de la même manière que furent construites les pyramides, que vous vous trouviez précisément dans cette boutique de parfum. Petite entreprise qui ne connaît pas la crise, j'en connais qui certains soirs, doivent se faire de bonnes bouffes…).
J'imagine que cet aspect money money money ne doit pas véritablement vous faire rêver, mais je tenais quand même à le préciser, sachant que l'assimilation étranger à se farcir = pigeon à plumer est une réalité dans le pays. J'y reviendrais sans doute avec moins d'insistance dans les prochains billets, mais sachez qu'il s'agit là d'un de ces faits que l'on ne peut oublier en Égypte.
Bon, mais finalement, les pyramides, ça vaut quoi (et je ne parle désormais plus des bakchichs à aligner)? Eh bien force est de constater que oui, en elles-mêmes, elles valent le coup d'œil, les trois ancêtres du Caire. Il m'est difficile de vous décrire de tels monuments qui relèvent de ces découvertes qui se vivent davantage qu'elles ne se résument en une phrase du style « ce sont des cailloux pointus, très chouettes, et qui montent très haut, vraiment jolis », mais sachez simplement que les multiples accrochages financiers n'ont pas totalement réussi à me gâcher le plaisir de cette rencontre avec ces trois grands brins d'Histoire dressés à la toute proche périphérie du Caire, pas si loin que ça des klaxons gueulards et des immeubles grisâtres,et en même temps, tellement plus élégants et fascinants.
Finalement, c'est peut-être là ce qui fait la force de ces merveilles du monde. Mêmes défigurées, elles demeurent magnifiques, et toujours, l'on se presse pour les apercevoir, comme par magie, de la même manière que furent construites les pyramides…
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